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2 mai 2022

LETTRE DU MOIS DE L’AGAUREPS-PROMÉTHÉE N° 158 MAI / JUIN 2022

 

LETTRE DU MOIS DE L’AGAUREPS-PROMÉTHÉE N° 158 MAI / JUIN 2022

Sommaire du numéro 158 : Spécial « Géopolitique »

  • Edito de Francis DASPE « Le puits sans fond de la géopolitique » page 2
  • Texte de Sylvie ERBANI « Focus sur le G20 » page 3
  • Texte de Thierry DONGUAT« L’arme des gazoducs » page 5
  • Texte de Sylvie ERBANI « Les enjeux géopolitiques de l’Azerbaïdjan » page 8
  • Texte de Francis DASPE « Les pays enclavés, parents pauvres de la géopolitique » page 12
  • Une fiche d’adhésion (facultative mais conseillée…) pour 2022 page 14

           

 

Le puits sans fonds de la géopolitique

Cette nouvelle Lettre du mois de l’AGAUREPS-Prométhée est un numéro spécial consacré à la géopolitique. C’est conforme à ce que nous avions décidé et annoncé : faire des questions de géopolitique un sujet régulier de nos réflexions. La géopolitique doit devenir un (autre) fil rouge des travaux de l’AGAUREPS-Prométhée.

Nous avions indiqué ce parti-pris dans la dernière Lettre du mois de septembre / octobre ; il s’agissait d’un numéro spécialement dédié à la géopolitique, dont les retours que nous avons eus furent particulièrement encourageants et stimulants. A la suite de quoi, le choix d’en prévoir un nouveau numéro spécial pour la fin de l’année fut fait. Nous décidâmes de le planifier pendant la fin de la présente séquence électorale, la présidentielle suivi des législatives. C’est l’objet de la présente Lettre de Mai / Juin.

  Très tôt, le contenu en avait été fixé dans les grandes lignes, les commandes passées, la répartition des tâches de rédaction effectuée. L’actualité géopolitique immédiate est cependant venue bousculer le bel ordonnancement. Le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe modifiait en profondeur les données géopolitiques. A n’en point douter, voici un événement qui nécessiterait une Lettre (ou même plusieurs) à lui tout seul !

Pour autant, nous sommes restés sur l’idée initiale, conservant les thèmes retenus dans un premier temps. En effet, chacun d’entre eux contribuent à éclairer, à leur manière, quelques uns des enjeux portés par le conflit armé russo-ukrainien. C’est ainsi que la « géopolitique des gazoducs » gagnerait à être davantage popularisée afin de mettre en valeur le rôle moteur de l’arme de l’énergie dans les dynamiques des relations internationales. La réalité de l’enclavement de certains pays constitue également une donnée géopolitique fondamentale, plus encore dans une économie mondialisée. Le cas, singulier au départ, de l’Azerbaïdjan représente en définitive une illustration significative de très nombreux enjeux marquants d’une planète plus que jamais instable. L’examen de la gouvernance du G 20, de son historique et de sa composition, permet de dévoiler opportunément quelques uns des rapports de force géopolitiques suscitant des défis à relever.

En attendant qu’une prochaine Lettre du mois n’aborde en détail les arcanes de la guerre d’Ukraine, nous ne résistons pas au plaisir de rappeler que l’AGAUREPS-Prométhée avait déjà travaillé sur le sujet, il y a longtemps. Il en était sorti un texte datant de janvier 2005, au moment de la « révolution orange » ukrainienne. Il était sobrement intitulé « Le révélateur ukrainien : des interrogations de fond ». Il éclaire, à défaut d’expliquer, quelques unes des tristes réalités du moment présent. Voici le lien pour le consulter sur le site de l’AGAUREPS-Prométhée :

La géopolitique constitue vraiment un puits sans fond pour qui veut réfléchir à l’état de notre monde. Elle offre une diversité et une multiplicité de questions structurantes, qu’elles soient d’ailleurs d’actualité ou pas. Une matière inépuisable dont l’AGAUREPS-Prométhée entend régulièrement se saisir en profondeur !

 

Francis DASPE 22 / 04 / 2022

 

 

 

 

Focus sur le G 20

Le Groupe des Vingt (G20) est un forum intergouvernemental composé de dix-neuf pays et de l’Union européenne. Il est créé en 1999, mais il réunit pour la première fois de son histoire le 15 novembre 2008 à Washington, au moment de la crise financière, ses chefs d’États et de gouvernements, à l’initiative de Nicolas Sarkozy et de Gordon Brown, le président français et le premier ministre britannique.

Les membres et les absents

Le G20 vise à regrouper les économies les plus développées de la planète. Outre les membres du G7 (groupe des 7 pays les plus riches et industrialisés correspondant aux trois pôles de la Triade : Etats-Unis et Canada en Amérique du Nord, Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie pour l’Europe de l’Ouest, Japon pour la zone Asie-Pacifique), il comprend onze pays à économies émergentes (Argentine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie). Il faut y ajouter enfin l’Australie, prolongement dans la zone Océanie des pays du Nord constituant la Triade.

L’Espagne (13° économie mondiale), et à un degré moindre les Pays-Bas, la Pologne, la Belgique, la Suède et la Suisse, bien que leurs PIB soient parmi les vingt premiers mondiaux, n’ont pas été retenus. Cependant,  les cinq premiers participent indirectement via l’Union européenne. De surcroît, deux d’entre eux, l’Espagne et les Pays-Bas, ont participé aux trois dernières réunions sans en être membres, si bien qu’ils font office d’invités permanents. Parmi les principaux pays émergents non retenus, on trouve l’Iran, la Thaïlande, la Malaisie, le Chili, le Nigeria.

Notons que l’Union européenne est représentée à la fois par le président du Conseil européen et par celui de la Commission européenne (Charles Michel et Ursula von der Leyen actuellement). Ceci explique que le G20 rassemble en réalité 21 personnes. En outre, il accueille également les institutions de Bretton Woods (du nom de la conférence qui s’est tenue en 1944) : le directeur général du FMI, le président de la Banque mondiale, celui du comité monétaire et financier international et celui du comité de développement du FMI et de la Banque mondiale.

Répartition géographique

Si on regarde la situation en fonction de critères géographiques fondant les zones commerciales à l’échelle de la planète, le G20 compte les trois États de l’ALENA, deux États du MERCOSUR, trois États de l’Union européenne (ainsi que l’Union qui siège également en sa propre qualité, le Royaume-Uni ayant quitté l’Union) et trois États membres de l’OCI (Organisation de coopération islamique) : Arabie Saoudite, Indonésie, Turquie.

Le continent asiatique est relativement bien représenté avec quatre États membres de l’ASEAN (la Chine, la Corée du Sud, l’Indonésie et le Japon), mais aussi l’Inde, la Turquie et l’Arabie saoudite. 

L’Afrique du Sud est la seule représentante du continent africain.

Son poids et ses fonctions

En 2021, le G20 représente 75 % du commerce mondial, près des deux tiers de la population mondiale et plus de 80 % du produit mondial brut (somme des PIB de tous les pays du monde). Le G20 se décline sous trois formes : les G20 regroupant des chefs d’État et de gouvernement, les G20 finance regroupant les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales, et depuis avril 2010 les G20 sociaux réunissent les ministres de l’emploi.

Le but de ce nouveau groupe est alors de favoriser la stabilité financière internationale et de créer des possibilités de dialogues entre pays industrialisés et pays émergents, ce que les réunions des ministres des finances du G7 ne permettaient pas.

L’autre facteur d’extension du G8 (G7 + la Russie) est la baisse relative du poids économique dans le monde de ses membres. En effet, leur importance dans le PIB mondial est passée de 69 % en 1989 à 55 % en 2009, puis à 45% en 2019. Cela est notamment dû à la poussée économique de plusieurs pays dits émergents tels que la Chine, l’Inde ou encore le Brésil au cours des dernières années.

 

Certains pensent que la gouvernance mondiale ne pourra évoluer qu’à travers le G20 : car d’une part, le Conseil de sécurité des Nations-Unies est paralysé par le droit de veto, et que ses missions pourraient être mieux remplies par le G20 assez représentatif des rapports de force mondiaux; d’autre part, si les États-Unis n’ont plus la force d’imposer seuls leurs vues, ils peuvent malgré tout par le biais de cette instance jouer un rôle positif de catalyseur.

En dépit de ces déclarations d’intention se voulant vertueuses, le G 20 s’inscrit pleinement dans la gouvernance mondiale déterminée par la mondialisation établie sur des règles néolibérales.

Sylvie ERBANI 12 / 03 / 2022

 

 

 

L’arme des gazoducs

L’énergie représente un enjeu fondamental des relations géopolitiques. Elle suscite force convoitises, étant à l’origine de nombreuses tensions pouvant dégénérer en conflits plus ou moins ouverts. Dans cette optique, le contrôle et l’utilisation des gazoducs se situent au centre des préoccupations. Quelques exemples récents nous le rappellent opportunément si besoin était.

L’Espagne impactée par le conflit l’Algérie et le Maroc

C’est ainsi que l’Algérie a décidé de fermer le gazoduc Maghreb / Europe. Le but est de punir le Maroc. Ceci pour des ingérences réciproques dans les affaires intérieures du voisin (l’Algérie soutient le Sahara occidental administré depuis 1975 par le Maroc, le Maroc est intervenu pour évoquer le cas du peuple kabyle s’estimant maltraité en Algérie). La question ethno-nationale est centrale et sensible pour ces Etats. Ce qui est en jeu, c’est l’unité de ces Etats, avec la reconnaissance ou pas, leur droit à l’autodétermination ou pas, des peuples sahraoui et kabyle.

Le Sahara occidental est une ex-colonie espagnole. Il est considéré par l’ONU comme un « territoire non autonome » en l’absence d’un règlement définitif. Le Maroc contrôle 80% de ce vaste territoire désertique. Le Front Polisario réclame un référendum d’autodétermination et est soutenu par l’Algérie. Récemment, une accusation a été formulée par l’Algérie concernant la mort de trois ressortissants algériens à la suite de bombardements par le Maroc le 1° novembre 2021. Ces bombardements ont été effectués sur des camions faisant la liaison Nouakchott / Ouargla (Mauritanie / Sud algérien), route de 3 500 kms longeant le Sahara occidental.

Il existe un autre sujet de récrimination entre ces deux voisins. L’Algérie accuse le Maroc d’avoir instrumentalisé la révolte du Hirak. Le Hirak est cette série de manifestations hebdomadaires qui ont eu lieu entre 2019 et 2021 en Algérie pour protester dans un premier temps contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat et dans un second temps pour demander une démocratisation du régime algérien. Ne s’agit-il pas là du vieux stratagème de la dénonciation de la main de l’étranger pour expliquer à bon compte les crises ?

N’oublions pas également le contexte plus général se caractérisant par l’envol des prix de l’énergie à l’échelle mondiale.

Le gazoduc Maghreb / Europe (GME) a été inauguré en 1996. Par l’intermédiaire du géant national Sonatrach, il achemine chaque année 10 milliards de mètres cubes de gaz naturel vers l’Espagne et le Portugal via le Maroc. L’Espagne dépend donc de l’Algérie pour la moitié du gaz qu’elle consomme. Pour sa part le Maroc bénéficiait de 200 millions d’euros par an en raison de son statut de transitaire avec un péage. Le Maroc est en pourparlers avec l’Espagne pour que cette dernière lui renvoie par le même gazoduc inutilisé par l’Algérie ce qui contribue à sa consommation.

L’Espagne devra-t-elle payer plus cher ? L’Algérie a fait des promesses à l’Espagne afin de compenser la fermeture du gazoduc Maghreb / Europe. Cette compensation se traduit d’abord par la volonté de doper le gazoduc Medgaz (pipeline sous-marin entre les deux pays mais d’une contenance inférieure, et qui donc ne transite pas par le Maroc). Ensuite en multipliant les livraisons de gaz naturel liquéfié par méthaniers (mais l’opération rendue compliquée par la rareté de ces bateaux sur le marché). En fin de compte, il s’agit de solutions partielles qui devraient faire augmenter les prix de l’énergie pour l’Espagne, 5° économie européenne.

L’Algérie veut clairement imiter la Russie qui utilise le gaz naturel comme levier dans son conflit avec l’Ukraine, Moldavie ou l’Union Européenne.

La Biélorussie, le gaz et les migrants

 

Le président autocrate de la Biélorussie, sous influence de la Russie, Alexandre Loukachenko menace de couper le gaz aux Européens. Ce bras de fer a pris une résonance particulière avec en toile de fond la question des migrants.

La tension entre la Biélorussie et la Pologne a pris une ampleur insoupçonnée au mois de novembre 2021. Les migrants ont été pris entre deux feux : la Biélorussie leur donne des visas pour passer en Pologne, la Pologne érige une clôture « fil de fer barbelé rasoir ». Des violences des autorités biélorusses pour pousser les migrants à passer ont été mises en exergue. Et pour les empêcher de revenir en arrière… De manière symétrique, des violences des autorités polonaises pour les empêcher de passer, avec le déploiement de 15 000 soldats, ont été attestées.

La situation est aggravée par le jeu des puissances. D’un côté, des menaces de sanctions économiques par l’Union européenne. De l’autre côté, le drôle de jeu orchestré par Vladimir Poutine. C’est ainsi que des avions bombardiers russes à capacité nucléaire ont survolé le territoire biélorusse, en guise de soutien. La France n’a pas hésité à parler « d’une attaque migratoire » de la Biélorussie contre la Pologne et l’UE. Clément Beaune, secrétaire d’état chargé des affaires européennes, a même utilisé l’expression de « trafic d’êtres humains, tragiquement organisé pour les acheminer vers la frontière de certains états européens ».

La Pologne et l’Union européenne reprochent à la Biélorussie d’encourager l’entrée illégale d’étrangers en Pologne. Pour la Biélorussie, il s’agit de simples mesures de rétorsion aux sanctions pour violations des droits de l’homme (en liaison avec la répression des manifestations suite à la réélection contestée de Loukachenko). L’UE envisage pour sa part un 5° train de sanctions.

Alexandre Loukachenko menace de couper le gaz naturel aux pays européens. « Nous chauffons l’Europe », aime-t-il répéter à l’occasion. En effet, l’Europe dépend de la Russie pour 35% de son gaz naturel, qui transite par la Biélorussie via un gazoduc.  

Alexandre Loukachenko joue un jeu risqué : peut-il agir ainsi  sans le soutien du puissant parrain russe ? Les craintes s’étendent également aux pays voisins : la Lituanie et l’Ukraine ont décrété l’état d’urgence. Ces pays déploient des troupes militaires aux frontières et organisent des manifestations de soutien.

Certains établissent un parallèle avec  la situation de l’empire romain, confronté aux peuples barbares bousculés par l’invasion des Huns du chef Attila. L’Histoire se répète, affirment ceux qui veulent instrumentaliser la peur des migrants. A tel point que la France se dit prête à mobiliser Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes. Pendant que les campagnes électorales s’annoncent et se déroulent dans des contextes propices aux peurs irraisonnées et irrationnelles, et ce partout sur l’ensemble du continent européen…

L’actualité du gaz algérien resurgit…

            Trois mois après la rédaction de cet article, l’actualité valise la pertinence des analyses produites concernant la « triangulation gazeuse » Algérie / Maroc / Espage. C’est ainsi que ce mercredi 27 avril, le ministère algérien de l’Energie a menacé de rompre le contrat de fourniture de gaz à l’Espagne si cette dernière venait à l’acheminer « vers une destination tierce ». Autrement dit, si l’Espagne approvisionnait en flux inverse le Maroc. Alger a rappelé le 19 mars son ambassadeur en Espagne. Sonatrach a évoqué une hausse des prix du gaz livré à l’Espagne, en raison de la flambée enregistrée sur les marchés sous l’effet de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Avec en toile de fond la question du Sahara occidental et du Front Polisario.

Thierry DONGUAT 19 / 01 / 2022

 

 

 

 

Les enjeux géopolitiques de l’Azerbaïdjan

L’Azerbaïdjan est un Etat indépendant depuis le 30 août 1991 et la dislocation de l’URSS. Il est situé dans le Caucase, positionné sur la ligne de division entre l’Europe et l’Asie. La population atteint les 10 millions d’habitants (dont 2 millions dans la capitale Bakou) pour une superficie de 86 000 kms carrés. La densité est assez élevée, proche de 120 habitants par kms carrés (un peu plus élevée que celle la France, nettement plus élevée que celle du continent européen).

Premiers enjeux géopolitiques

L’Azerbaïdjan partage cinq frontières, avec la Russie, l’Iran, la Turquie (via l’exclave du Nakhitchevan), l’Arménie et la Géorgie. Soit trois puissances régionales non négligeables, plus deux petits états voisins avec qui les relations de voisinage ne sont pas un long fleuve tranquille. Le pays ne possède pas d’accès à la mer ouverte, c’est-à-dire donnant sur l’océan mondial. C’est donc un pays enclavé. Cependant il dispose d’un littoral de 713 kms sur la mer Caspienne, mer fermée.  

 

L’Azerbaïdjan compte quatre minuscules enclaves azerbaïdjanaises en Arménie. Elles sont occupées depuis 1994 et la guerre du Haut-Karabagh par l’Arménie ; symétriquement, il y a une exclave arménienne en Azerbaïdjan occupée depuis la guerre du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan. Ces territoires ne doivent pas être confondus avec le Haut-Karabagh et le Nakhitchevan que nous évoquerons en détail en fin d’article.

Une première République éphémère

Le 28 mai 1918, soit quelques mois avant la fin de la première guerre mondiale mais environ un an après les révolutions russes, la République démocratique d’Azerbaïdjan est proclamée à Tbilissi en Géorgie. Elle constitue la première tentative réussie d’établir un régime laïque et démocratique dans le monde musulman (5 ans avant la république kémaliste de Turquie). En effet, dans la lignée de la proclamation de la république se met en place l’intégration juridique de certains principes institutionnels occidentaux à l’instar de la création du Parlement national, la garantie de certains droits et libertés individuels, le droit de vote des femmes.

Le 16 juin 1918, la capitale est transférée de Bakou à Gandja suite à la prise de la première par les forces pro-russes. Le 28 avril 1920, les forces russes envahissent Bakou et instaurent la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan avec Bakou comme capitale. Elle est ensuite intégrée dans la république socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie (rassemblant également la Géorgie et l’Arménie, avec pour capitale Tbilissi), de 1922 à 1936, date à laquelle la dissolution de la Transcaucasie permet à chacune des 3 républiques de reprendre son statut de république socialiste soviétique, et ce jusqu’en 1991.

Anciennes convoitises, zones d’influences, nouveaux choix d’alliances

Un rapide survol de l’histoire montre l’importance des convoitises suscitées par ce territoire. Elles émanent de peuples ayant constitué des zones d’influences qui ont pu se heurter selon les périodes, à savoir les Turcs, les Perses, les Mongols et les Russes. C’est de cette histoire mouvementée que l’Azerbaïdjan actuel est tributaire, ce qui peut parfois contribuer à orienter les choix d’alliances contemporains.

Les dirigeants de l’Azerbaïdjan indépendant ont choisi l’alliance politique avec les Etats-Unis et la Turquie. Cela implique entre autres une alliance avec Israël et l’Ukraine, et dans une moindre mesure avec l’Union européenne. L’Azerbaïdjan est le seul pays de majorité musulmane (chiite) à entretenir des relations diplomatiques avec Israël depuis son indépendance. Les relations diplomatiques bilatérales ont été officialisées dès le 7 avril 1992. L’Azerbaïdjan est en cessez-le-feu avec l’Arménie, dont l’indépendance est garantie par la Russie. La Turquie voyant avec méfiance et animosité une Arménie indépendante, elle se tourne davantage vers l’Azerbaïdjan.

Aujourd’hui, les Etats-Unis, la Turquie et Israël sont bien implantés dans le pays, intéressés par la position stratégique de l’Azerbaïdjan dans le Caucase ainsi que par ses ressources pétrolières et gazières. La Russie a cependant retrouvé une réelle influence à Bakou.

Les relations entre l’Azerbaïdjan et la Turquie ont toujours été très fortes. Les deux pays ont des langues et des cultures similaires (la langue azérie et la langue turque sont mutuellement intelligibles). En 1993, en pleine guerre du Haut-Karabagh, la Turquie avait, pour soutenir son allié azerbaïdjanais, décidé de fermer ses 268 kms de frontière commune avec l’Arménie.

Les relations avec l’Iran sont également fortes. Malgré la différence idéologique entre les deux pays, l’Iran étant un État théocratique et l’Azerbaïdjan un État laïque, l’Iran s’est rapproché du pays en raison de la présence d’une forte minorité azérie d’environ 12,6 millions de personnes en Iran (soit 16% de la population iranienne). Il y a donc davantage d’azéris en Iran qu’en Azerbaïdjan. Les deux nations ont une histoire commune : l’Azerbaïdjan fut une partie de l’Iran perse avant la conquête russe en 1800, et tous deux sont chiites, contrairement aux Turcs qui sont principalement sunnites.

Si l’Azerbaïdjan entend conserver sa relation privilégiée avec la Turquie, elle cultive également des relations étroites dans de très nombreux domaines avec l’Iran.

Les aspects religieux

La principale religion en Azerbaïdjan est l’islam, implanté dans le pays depuis le VII° siècle. A noter un passé chrétien, et encore plus ancien zoroastrien. Pendant le XVI° siècle, la population azérie a été convertie au chiisme duodécimain. Aujourd’hui, 93,4 % de la population est musulmane, dont environ 85 % de chiites et 15 % de sunnites.

 

2,5 % des habitants sont russes orthodoxes, tandis que 2,3 % sont apostoliques arméniens situés principalement dans la république autoproclamée du Haut-Karabagh.

L’Azerbaïdjan est un État laïque selon la constitution azerbaïdjanaise. La religion et l’Etat sont strictement séparés.

La question énergétique et l’oléoduc BTC

À la fin du XIX° siècle, la Russie découvre les richesses en pétrole du pays. Bakou devient alors le premier producteur mondial de pétrole. Un mouvement azéri relativement structuré émerge au même moment. L’économie de l’Azerbaïdjan est aujourd’hui fortement dépendante de l’exploitation du pétrole en mer Caspienne, qui représente 70 % de ses exportations et 50 % du budget de l’État.

Les grands chantiers ont commencé quand le pays a enfin tiré profit de l’industrie pétrolière. Une étape décisive a été franchie en 2006, avec la mise en service du BTC (oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan), le premier super-oléoduc à destination de l’Europe. Cet oléoduc tire son nom de la traversée de Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, de Tbilissi, capitale de la Géorgie et de Ceyhan, port du sud-est de la côte méditerranéenne turque. L’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan transporte sur 1 776 kms le pétrole brut du champ pétrolifère d’Azeri-Chirag-Guneshli situé sur la mer Caspienne jusqu’à la mer Méditerranée.

Avec sa longueur de 1 776 kms, c’est le deuxième plus long oléoduc du monde après l’oléoduc Droujba qui relie la Russie à l’Europe centrale. Il est parallèle au gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzorum. Le premier pétrole au départ de Bakou a commencé à être pompé le 10 mai 2006 pour atteindre Ceyhan le 28 mai 2006. Sa longueur totale est de 440 kms en Azerbaïdjan, de 260 kms en Géorgie et de 1076 kms en Turquie. Il dispose de huit stations de pompage sur son parcours.

La guerre du Haut-Karabagh

Le Haut-Karabagh est un territoire situé en Azerbaïdjan, enclavé dans ce dernier. Peuplé en majorité par des Arméniens, il revendique dès 1988 son rattachement à l’Arménie. Il proclame unilatéralement son indépendance en septembre 1991.

La guerre du Haut-Karabagh, appelée aussi première guerre du Haut-Karabagh et nommée en Arménie guerre de libération de l’Artsakh, est le conflit armé qui a eu lieu entre février 1988 et mai 1994 dans cette enclave ethnique située en Azerbaïdjan du Sud-Ouest. Elle oppose les Arméniens de l’enclave, alliés à la république d’Arménie, à la république d’Azerbaïdjan. Le 16 février 1988, défilent à Erevan un million de personnes, revendiquant le rattachement du Haut-Karabagh à l’Arménie. Le parlement de l’enclave, qui vote l’union avec l’Arménie quatre jours plus tard, et un référendum accordé à la population déterminent un même souhait. La demande d’union avec l’Arménie, qui s’est développée vers la fin des années 1980, a donc commencé pacifiquement.

Mais ensuite, avec la désintégration de l’Union soviétique, le mouvement devient un conflit violent entre les deux groupes ethniques, se transformant en une guerre en bonne et due forme. Les pertes militaires sont estimées à plus de 25 000 morts, sans compter les civils. Des allégations de nettoyage ethnique sont exprimées par les deux camps.

A l’issue de ladite guerre, le Haut-Karabagh maintient son indépendance de facto. Il n’y a toujours pas eu de signature de paix et des altercations continuent de se produire sur la ligne de front, malgré l’absence d’offensive directe. En 1994, à la fin des hostilités militaires, les Arméniens contrôlent non seulement l’enclave montagneuse, mais aussi 9 % du territoire azerbaïdjanais (14 % avec l’enclave)

En septembre 2020, l’Azerbaïdjan se lance dans une nouvelle guerre au Haut-Karabagh, conflit dont l’objectif avoué est de reprendre le territoire perdu pendant la première guerre. Elle est aussi appelée seconde guerre du Haut-Karabagh, ou opération « Poing d’acier », ou guerre des 44 jours. Elle oppose à nouveau la République autoproclamée du Haut-Karabagh (aussi appelée Artsakh), soutenue par l’Arménie, à l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie, pour le contrôle du Haut-Karabagh, un Etat non reconnu par la communauté internationale depuis son indépendance unilatérale de l’Azerbaïdjan en 1991.

Après plusieurs tentatives successives de médiations infructueuses (Russie, groupe de Minsk, Etats-Unis), il faut attendre le 9 novembre et la prise de Choucha par l’armée azerbaidjanaise pour que le Premier ministre arménien Nikol Pachinian accepte de signer un accord de fin des hostilités sous l’égide de la Russie.

 

Qualifié de « capitulation » (arménienne) par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, il acte la perte des trois quarts des territoires sous le contrôle de la république du Haut-Karabagh et un nouveau déplacement des populations. L’Azerbaïdjan garde les territoires reconquis, et à terme récupère la totalité des sept districts entourant le Haut-Karabagh d’où les forces arméniennes doivent se retirer complètement. Les Arméniens gardent un droit de passage au niveau du corridor de Latchin qui est sous le contrôle des forces de paix russes. L’accord prévoit également le rétablissement des voies de communication internationales entre l’Azerbaïdjan et son exclave du Nakhitchevan, à travers le territoire arménien.

L’accord acte le déploiement de forces de paix russes dans la région pour cinq ans renouvelables et la création d’un centre d’observation russo-turc afin de contrôler le cessez-le-feu. Le statut politique du Haut-Karabagh, qui a perdu un tiers de son territoire, reste néanmoins à déterminer.

Les relations de l’Azerbaïdjan avec l’Arménie sont donc très conflictuelles à propos de la question du Haut-Karabagh. Il n’existe pas de relations diplomatiques officielles entre ces deux États. Le Haut-Karabagh maintient son indépendance de facto. Le visa d’entrée en Azerbaïdjan est systématiquement refusé à tout citoyen arménien et à toute personne d’origine arménienne. Il est également refusé à toute personne détentrice d’un visa délivré par les autorités du Haut-Karabagh ou d’un tampon signalant un séjour au Haut-Karabagh, ou encore dans l’une des sept régions occupées d’Azerbaïdjan (récupérées en partie à l’issue de la guerre de 2020). Cela se traduit par une interdiction permanente d’entrée en Azerbaïdjan.

Le Nakhitchevan

La république autonome de Nakhitchevan (en azéri Naxçıvan) constitue aujourd’hui une république autonome d’Azerbaïdjan.  Elle ne possède pas de continuité territoriale avec l’Azerbaidjan. C’est donc pour les autorités azéries de Bakou une exclave en territoire arménien. Elle est peuplée par 400 000 habitants pour une superficie de 5 500 kms.

Le Nakhitchevan, qui était peuplé d’un peu moins de 50 % d’Arméniens avant la soviétisation, a perdu quasiment toute sa population arménienne pendant l’ère soviétique en raison de mouvements d’émigration et d’une politique pro-azérie dans cette exclave. Le reste de la population arménienne  a été expulsée en représailles à la guerre entre Azerbaïdjan et Arménie au Haut-Karabagh dans les années 1990.

Les habitants du Nakhitchevan sont aujourd’hui en grande majorité d’origine turque (au sens large) et tatare, de religion musulmane chiite et de langue azérie. Des minorités russes et kurdes subsistent. Mais cette région a été épargnée par la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, en partie grâce à la Turquie exerçant le rôle de garant selon les termes du traité de Moscou signé entre les Kémalistes et les Soviétiques en 1921. Les tensions persistantes empêchent toute communication directe entre le Nakhitchevan et l’Azerbaïdjan, même si l’accord de paix de 2020 est sensé remédier à la situation.

Sylvie ERBANI 18 / 02 / 2022

 

 

 

Les pays enclavés, parents pauvres de la géopolitique  

Un pays sans littoral ou pays enclavé est un pays dont le territoire n’a pas de contact direct avec une mer ouverte. Son accès à la mer ne peut se faire qu’en traversant le territoire d’un autre pays. Il est donc intégralement délimité par des frontières terrestres. 

En Asie, on recense 12 Etats enclavés. Il s’agit de l’Afghanistan, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Bhoutan, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Laos, la Mongolie, le Népal, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan. Ces Etats se trouvent quasi exclusivement dans deux régions : la vaste Asie centrale jadis conquise par la Russie tsariste et les montagnes himalayennes.

Distinguons cependant trois d’entre eux, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et le Turkménistan qui disposent d’un débouché sur une mer fermée, la Caspienne.  Ajoutons-y trois territoires qui ne sont pas reconnus comme Etat indépendant : le Haut-Karabagh, l’Ossétie du Sud et la Cisjordanie (avec pour seul débouché la mer Morte).

En Amérique, la Bolivie et le Paraguay sont les deux seuls Etats dans cette situation géopolitique inconfortable.

 

L’Afrique est fortement concernée par ce phénomène. Il n’affecte pas moins de 16 Etats. C’est le cas du Bostwana, du Burkina-Faso, du Burundi, de la Centrafrique, de l’Ethiopie, du Lesotho, du Malawi, du Mali, du Niger, de l’Ouganda, du Rwanda, du Swaziland, du Tchad, du Soudan du Sud, de la Zambie, du Zimbabwe. Il s’agit presque exclusivement des Etats les plus pauvres de la planète rangés dans la catégorie des PMA ou pays les moins avancés.

L’Europe n’est pas non plus exemptée par l’enclavement. On en dénombre 14 : Andorre, Autriche, Biélorussie, Hongrie, Liechtenstein, Luxembourg, Macédoine du Nord, Moldavie, Saint-Marin, Serbie, Slovaquie, Suisse, Tchéquie, Vatican. Souvent des micro-Etats, mais pas seulement, loin s’en faut.

On peut identifier une forme aggravée ou une version dure de l’enclavement. C’est le cas d’un pays qui est complètement entouré par un seul pays. Dans ce cas, impossible de jouer sur la possibilité de négocier avec plusieurs Etats différents. Trois pays sont dans ce cas : la République de Saint-Marin, enclavée dans l’Italie ; la Cité du Vatican, entourée par la ville de Rome, toujours en Italie ; le Royaume du Lesotho, à l’intérieur de l’Afrique du Sud.

Une autre forme dure peut être identifiée. C’est le cas d’un pays ayant des frontières uniquement avec d’autres pays sans littoral. Le pays sans littoral peut être entouré uniquement par d’autres pays dans le même cas. Dans ce cas la négociation avec un Etat frontalier ne donne pas d’accès à la mer. Pour avoir accès à la mer à partir de ce pays, il faudra donc traverser deux frontières. Ces pays sont dits « doublement enclavés ». Le Liechtenstein et l’Ouzbékistan entrent dans cette catégorie.

A l’opposé, il est possible de recenser des formes dites atténuées d’enclavement. On intègre dans cette catégorie les pays sans littoral mais pouvant accéder à la mer via un fleuve navigable. Dans ce cas, l’enclavement ne constitue pas toujours une absence d’accès à la mer : des pays enclavés ont accès à la mer par de grands fleuves suffisamment larges et profonds, sans barrages, permettant l’accès des navires marins ou de péniches. Entrent dans cette catégorie la Moldavie, l’Autriche, la Hongrie, la Serbie, la Slovaquie, la Suisse et le Paraguay.

Pour terminer, n’oublions pas le cas particulier de l’exclave, terme qui est un anglicisme. C’est un morceau de terre sous souveraineté d’un pays du territoire principal duquel il est séparé par un ou plusieurs pays ou mers.

L’enclavement constitue un handicap dans de nombreux domaines, que ce soit en termes de développement, d’accès aux ressources halieutiques, ou encore d’insertion dans les échanges commerciaux et dans la mondialisation. Tout cela en fait des parents pauvres de la géopolitique. L’accès aux mers devient alors une priorité urgente, voire une obsession. Et ce par tous les moyens, la négociation comme la guerre…  

Francis DASPE 22 / 01 / 2022

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