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19 février 2022

Jean-Jacques LAGARDE - A l'indépendant Abolir le salariat, par Michel Peyret - 17 févr. 2022 11:33 (il y a 2 jours)

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A l'indépendant Abolir le salariat, par Michel Peyret
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Jean-Jacques LAGARDE
17 févr. 2022 11:33 (il y a 2 jours)
 
À
Le capitalisme et son fonctionnement............

« Rien ne fait plus de mal aux travailleurs que la collaboration de classes.

La lutte de classes, au contraire, est la base de l'unité, son motif le plus puissant.

C'est pour la mener avec succès en rassemblant l'ensemble des travailleurs que fut fondée la CGT.

Or la lutte de classes n'est pas une invention, c'est un fait.

Il ne suffit pas de la nier pour qu'elle cesse : renoncer à la mener équivaut pour la classe ouvrière à se livrer pieds et poings liés à l'exploitation et à l'écrasement. »

« La régression sociale ne se négocie pas, elle se combat ! » H. Krasucki

Charte d'Amiens

La charte adoptée en octobre 1906 par le 9e congrès de la CGT et connue à partir de 1912 sous le nom de Charte d'Amiens reste une référence théorique du syndicalisme en France, en particulier du syndicalisme révolutionnaire1 et du syndicalisme de lutte2.

Reconnaissant la lutte de classe, la charte assigne au syndicalisme un double objectif et une exigence : la défense des revendications immédiates et quotidiennes des travailleurs, et la lutte pour une transformation d'ensemble de la société « par l'expropriation capitaliste »........

Abolir le salariat, par Michel Peyret     A l'indépendant

 

LE PLUS GROS CANULAR DU SIECLE

C'était encore le siècle précédent, autour des années 1975-1976, et Claude Berger (1), écrivait: « La plus grosse mystification du siècle, c'est de prétendre faire du socialisme en conservant le salariat. »

Pour ma part, j'aurais préféré qu'il parle de communisme selon le choix fait par Marx et Engels eux-mêmes.

Et cependant il engageait la démonstration de ce qui deviendra certainement sa thèse principale, l'objet essentiel de son combat.

Il avait pourtant un prédécesseur illustre en la personne de Karl Marx.

D'ailleurs, reprenant Marx, je posais moi-même la question en début de cette année 2010 en titrant un article: « Pourquoi les luttes ne se proposent-elles plus l'abolition du salariat? », voir ma « Tribune » dans « Rouge Midi ».

 

LA TAUTOLOGIE DE MARX

 

Et je citais Marx à plusieurs reprises, notamment quand il considère ce qu'il appelle une « tautologie », c'est-à-dire une évidence, voire une répétition: « Il n'y a plus de travail salarié lorsqu'il n'y a plus de capital. »

En conséquence de quoi si l'on supprime le capitalisme, il n'y a plus de travail salarié.

Et vice-versa: s'il n'y a plus de salariat, il n'y a plus non plus de capital, et donc de capitalisme.

En fait, Marx aura consacré l'essentiel de sa vie à faire cette démonstration qui était devenue pour lui une « tautologie », tellement cette affirmation allait de soi dans son esprit ou son raisonnement.

Et cette évidence, il la considérait comme le mot d'ordre révolutionnaire principal, celui que devaient se donner les ouvriers, celui qu'ils devaient inscrire sur leurs drapeaux.

LA LUTTE CONTRE LES EFFETS,

OU LA LUTTE CONTRE LA CAUSE

 

En ce sens, il écrivait en 1865, dans « Salaire, prix et profit » à propos des luttes permanentes que les ouvriers doivent mener pour conserver leur salaire:

« En même temps, et tout à fait en-dehors de l'asservissement qu'implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent pas s'exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne.

« Ils ne doivent pas oublier qu'ils luttent contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu'ils ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu'ils n'appliquent que des palliatifs, mais sans guérir le mal.

« Ils ne doivent donc pas se laisser absorber exclusivement par les escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements ininterrompus du capital ou les variations du marché.

« Il faut qu'ils comprennent que le régime actuel, avec toutes les misères dont on les accable, engendre en même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la transformation économique de la société.

« Au lieu du mot d'ordre conservateur: « Un salaire équitable pour une journée de travail équitable », ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d'ordre révolutionnaire: « Abolition du salariat ».

 

ABOLITION DU SALARIAT

 

Nulle contradiction constatée entre Claude Berger et Karl Marx sinon le constat de la différence des dates, un siècle et demi séparant les deux déclarations, temps pendant lequel le mot d'ordre a quasiment été « oublié » par le mouvement ouvrier.

Pour Claude Berger en effet la donnée est toujours la même: « Le problème est qu'il n'y a pas de capital sans salariat et inversement. Inciter donc à de telles croyances est du même acabit que de parler de la « suppression du féodalisme par la nationalisation des propriétés des grands féodaux...sans abolir le servage. »

« Le plus ou moins d'autogestion ou de participation accordé aux serfs récalcitrants pour les motiver aux corvées ne change rien à la servitude.

« Même chose pour le salariat.

« Imaginez une usine autogérée fabricant des matraques de CRS ou des gadgets qui s'usent très vite dès qu'on s'en sert, avec à la tête un patron autogestionnaire et toujours des salaires.

« Donc une fois pour toutes, nous sommes dans une société salariale et non pas – seulement – de « profit », « industrielle » ou « capitaliste ». De la même façon que la société féodale ne fut pas seulement de privilège, agraire ou artisanale, mais de servage.

NE PAS RESTER DANS UNE SOCIETE DE SERVITURE

 

Claude Berger poursuit: « C'est important d'annoncer le comment de la mise en servitude. Pour en finir avec lui. Pour démystifier le creux des mots qui nous abusent.

« Tenez, on nous parle souvent de « transition vers le socialisme »: pas possible!

« Entre l'esclave et le non-esclave, entre les salariés solitaires et soumis et les producteurs librement associés et fédérés, il n'y a pas de transition possible.

« Parler de transition, c'est mettre de côté l'abolition du salariat, changer la façade du capital, supprimer son caractère privé, l'étatiser.

« Si le salariat devenait salariat d'Etat, ça ne changerait rien au mode de servitude et d'atomisation de l'existence. A l'ennui au travail, aux travaux socia-lement inutiles, à l'aliénation par le salaire, à la soumission aux autorités et autres « impératifs économiques et étatiques ».

« Cela renouvellerait un peu les hiérarchies: les bureaucrates au lieu des actionnaires. Les cadres, ça reste, ça suit les uns ou les autres.

« Et puis tout n'a qu'un temps. L'ordre revient très vite, il faut savoir attendre. Fiat est à Moscou, Nivéa et Shell à Budapest. Et Pékin? Cela vient, merci

LA POLLUTION, C'EST LE SALARIAT

 

Pour Claude Berger, la plupart des produits fabriqués sont socialement inutiles du point de vue d'une société non-salariale puisque leur seule utilité est ici marchande: elle enchaîne le salarié à la consommation pour réaliser en argent le travail gratuit qu'on vient de lui prendre!

« Qui en profite? », questionne-t-il.

« Le capital et toute la hiérarchie salariée qui use du savoir et du pouvoir.

« Par ailleurs, dans le cadre du salariat, près de la moitié des salariés ordinaires passe son temps à surveiller, à contrôler un travail fait sans motivation et sans passion, dans le désintéressement total, ou à comptabiliser et vendre le surtravail des autres afin de le transformer en marchandise et en argent.

« On mesure l'énorme gâchis de temps de travail, sans parler de celui consommé par l'oppression étatique, par la centralisation économiques et le gigantisme des échanges de la société salariale.

SUPPRIMEZ LE CAPITAL ET LE SALARIAT,

LE SALAIRE ET L'ARGENT, L'ETAT ET L'ECONOMIE DE MARCHE

 

« Supprimez le capital et le salariat, le salaire et l'argent, l'Etat et l'économie de marché des produits, inséparable de l'économie de marché des hommes, et vous libérez une masse énorme de temps de travail.

« Ajoutez le temps disponible de tous les reclus qui voudraient bien produire un peu, mais pas trop, les vieux, les enfants, les handicapés, les femmes vouées au rôle de reproductrice ou de gardienne au foyer, mettez toutes les hiérarchies au travail productif et vous aboutissez au compte suivant: deux heures de travail par jour pour la production de biens socia-lement utiles suffiraient amplement pour vivre enfin dans une société non-salariale.

« Esclavage, servage, salariat: où est la différence? Dans les chaînes, dans l'a-veuglement. Esclaves et serfs savaient – c'était visible à l'oeil nu – qu'ils fournissaient gratuitement la plus grande partie de leur travail aux maîtres et qu'on les y forçait. La révolte était claire:il s'agissait d'en finir avec la servitude. »

LE TRAVAIL FOURNI GRATUITEMENT

 

Par contre constate Claude Berger, le salarié, lui, ne voit rien, ne sait rien, ne veut plus rien.

« Même ses luttes finissent par l'enchaîner davantage au salariat. La rétribution par le salaire engendre en effet des miracles. Elle cache le travail fourni gratuitement;

« Le salarié se croit rémunéré pour son travail, tout va donc bien. S'il « prend conscience » qu'il est lésé, que va-t-il réclamer? La suppression du travail gratuit? Non, un salaire plus fort! Plus d'avoir au lieu de plus d'être!

« C'est le cercle vicieux qui commence. Tout le syndicalisme s'est engouffré là-dedans. Comme l »'employeur ne récupère le travail extorqué que transformé en argent par la vente des produits, il lui suffira d'aug-menter le prix des produits pour ne rien perdre. C'est l'inflation; puis de renouveler l'arsenal des besoins et des marchandises tout en recherchant de nouveaux marchés du travail, de nouvelles techniques plus riches en travail gratuit, c'est alors l'expansion sophistiquée. »

LE TRAVAIL SALARIE EST LA VRAIE,

LA SEULE MATIERE VIVANTE DU CAPITAL.

 

Toute technique, poursuit Claude Berger, toute énergie, tout produit ne valent pour lui que par leur richesse en travail gratuit, en sur-travail.

« Le salariat est donc la pollution des pollutions, le ver au pied de l'arbre pourri, le moteur de tout explosif.

« Il ne peut être qu'anti-écolo-gique. Mais c'est aussi en soi la pire, la plus viscérale des pollutions.

« Elle pourrit le salarié du dedans, elle l'aveugle, elle l'enchaîne, elle le mutile de l'intérieur; elle l'épuise en même temps que la terre.

« Car contrairement à l'esclave ou au serf, le salarié ne va pas se croire forcé d'aller s'enfermer à l'usine ou au lieu de travail. Il y va de lui-même...

« Le tour est joué. Pas besoin de milices pour forcer à bosser et fournir le travail gratuit. Le patron privé ou d'Etat n'est plus un ennemi radical. Entre lui et le salarié, il y a le gri-gri du salaire. Un véritable tabou.

« Le système pousse même le salarié à ne pas trop batailler pour ne pas perdre l'emploi, ou au contraire à batail-ler pour le conserver. »

LE SALARIAT, C'EST LA VIE EN MIETTES

 

« Mais le salariat -donc le capital – repose là-dessus: sur la division, sur la concurrence des salariés dans les « boîtes » ou à l'air, sur le marché du travail...

« Mais le salariat repose sur la division entre ce qui serait syndical, politique et existentiel: sur la vie en miettes, sur l'atomisation, la décomposition de l'existence.

« C'est là que l'Etat sert à quelque chose. Pas de salariat sans une machine qui vous prend le pouvoir de votre existence et ne vous le rend pas. Sans une machine qui organise la décomposition sous le masque de la « communauté sociale » qu'elle détruit sans cesse. »

PAS DE SALARIAT SANS ETAT

 

« Pour former à la concurrence sur le marché du travail et à l'enfermement dans l'usine, cette machine essentiellement capita-liste, il faut la gestion étatique de l'enfermement institutionnel, familial, scolaire, asilaire, militaire.

« Il faut la réclusion des déviants, des handicapés, des vieux et des femmes reproductrices.

« Cela forme à la compétition, à la soumission, à la discipline.

« De lui-même, le libre salarié-citoyen-consommateur ira au boulot. Le salaire, l'Etat, la marchandise agiront du dedans.

« Comme le cancer, l'ulcère ou la carie dentaire.

« Au Moyen-Age, la force armée venait du dehors comme la vérole ou la peste.

« Le salariat et ses maladies, c'est un grand progrès. »

LES FAUX « SOCIALISMES »

 

Aussi, avec Claude Berger comme avec Marx, nous revenons à notre propos de l'introduction.

« Le capitalisme « public », dit-il, qui prétend rayer le capitalisme privé et l'exploitation de classe mais conserver intactes toutes les formes de l'exploitation et l'oppression du travail salarié: l'usine, la division du travail, la concurrence, le marché du travail et toutes les institutions nécessaires à l'exploitation et à l'oppression du travail salarié en dehors de l'usine, ne mérite pas le nom de « socialisme »: c'est un faux socialisme, c'est un salariat d'Etat.

« La fin de l'exploitation ne peut se borner à supprimer le capital privé et le remplacer par un capital public, en nationalisant par exemple. »

 

REVOLUTIONNER LE TRAVAIL LUI-MEME

 

Car si l'on ne révolutionne pas le travail lui-même et l'existence, si on n'oblige pas la production à se soumettre aux nécessités de communautés de base de produc-teurs associés, si l'on ne détruit pas l'oppression du travail salarié – le salariat dans son ensemble, dans le travail comme hors du travail – on va tout droit vers une société nouvelle de classe, un nouveau salariat d'Etat, des produits aussi marchands, des usines identiques, des instances de pouvoir et de savoir oppressives.

« Ce salariat d'Etat profitera alors à tous les privilégiés de la division du travail: c'est bien là le sort des pays dits « socialistes », en premier lieu de l'URSS...

« Et comme les travailleurs rechignent dans ce système, la coercition d'Etat dans la production ( bureaucratie et technocratie ) s'y fait encore plus forte sous l'étiquette de « dictature du prolétariat ».

MARX, L'ASSOCIATION, L'ANTI-LENINE,

VERS L'ABOLITION DU SALARIAT

 

Ci-dessus, c'est le titre d'un des ouvrages de Claude Berger paru, lui, en 1974, Petite Bibliothèque Payot. Son « quatrième de couverture » est tout un programme:

« EN 1882, Engels dénonçait le « parti de la conservation du salaire » au sein du mouvement ouvrier organisé. Au 20ème siècle, Lénine fortifia ce « parti ». Les options léninistes, le « socialisme » défini comme « le monopole capitaliste d'Etat mis au service du peuple entier », la division capitaliste du travail, l'attribution d'une portée essentiellement revendicative et réformiste aux luttes de classe spontanées, eurent tôt fait d'engager la Révolution des Soviets dans l'édification d'un salariat « ouvrier », base matérielle du stalinisme.

« Marx, quant à lui, attribuait aux grèves émancipatrices une potentialité de révolution contre le salariat... »

Claude Berger relançait ainsi le débat dans les années 1970.

Aujourd'hui, c'est la vie elle-même qui le fait.

S'il n'en était qu'un, le débat sur les retraites y suffirait certainement: si le salariat disparaît, que deviennent les retraites?

L'une des réponses est de conserver le capitalisme...le salariat... et les retraites.

Ma réponse n'est pas celle-là!


 

( 1 )Biographie de Claude Berger

 

Claude Berger est né en 1936 au coeur du Marais.

Tôt orphelin de mère, porteur de l'étoile jaune à 6 ans, abandonné par son père qui trône en caïd de maison close... L’enfant se révèle un exemple de précocité dans l’adversité, la contrainte et la persécution : caché durant deux années dans une masure de la banlieue parisienne, il s’en échappe pour subvenir aux besoins des treize personnes qui constituent “la tribu“.

Jeune homme en colère, en quête d’humanité et de révolution, devenu chirurgien-dentiste, il se retrouve en Afrique noire puis en Algérie, mêlé aux événements des indépendances.

Dans les années soixante-dix, il s’engage dans la réflexion et l’écrit politiques. Il signe des articles dans la revue Politique aujourd'hui, puis dans Libération, Les Temps Modernes, ou encore Le Nouvel Observateur.

Revisitant Marx, il dénonce le léninisme et le capitalisme d'état cher aux faux socialistes et aux fausses gauches. La crise, pour Claude Berger, n'est pas celle du capitalisme, mais celle du salariat, dont il réclame l'abolition.

En 1978, il déclenche une polémique en signant dans Le Matin un article virulent contre Georges Marchais, qu'il accuse de duplicité en matière d'antisémitisme. Ce papier lui vaudra une réponse à la une de L'Humanité.

En 1997, à quelques mois du procès Papon, Claude Berger signe un essai intitulé Blanchir Vichy? , réflexion sur l'essence de l'antisémitisme.

A l'aube du nouveau millénaire, il ouvre un restaurant ashkénaze dans le Marais, Le Train de vie. La cave y accueille écrivains, musiciens et débats sur la philosophie du Judaïsme. Fermé depuis peu, l’association des amis du Train de vie a le projet de recréer ce lieu d’expression et de rencontres.

En 2003, il publie aux Éditions Caractères Jérusalem, au pied du mur, un recueil de poésies imprégnées de mystique, illustrées par les photographies de son jeune fils, David.

 

Michel Peyret le 13/05/2010

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