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9 avril 2022

Programme climatique de Fabien Roussel : les omissions du Shift Project, de l’Affaire du Siècle et du RAC (Revue PCF « Progressi

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8 avril 2022

 

 

Avec la sortie du dernier rapport du GIEC, on a voulu s’intéresser au classement du candidat des Jours Heureux, Fabien Roussel, dans les différents questionnaires environnementaux qui ont jalonné cette fin de campagne, en faisant un focus sur les transports, secteur majeur des émissions de GES en France.

 

140 milliards d’euros dont 26 milliards pour les transports

Avant de commencer, rappelons que le GIEC requiert que les différents pays consacrent 6% du PIB à la lutte contre le réchauffement climatique, pour contenir la hausse des températures sous les 1,5 degrés. Ceci représente, pour la France, 140 Milliards d’euros chaque année. La lecture des programmes des 12 candidats à la présidentielle montre que seul Fabien Roussel met une telle ambition financière sur la table. On comprend aisément que la philosophie de partage et de mise en commun d’un candidat communiste facilite ce positionnement, dont le corollaire est un interventionnisme public très marqué, tant il est évident que le marché n’a pas et ne peut pas avoir cette nécessaire vision de long terme.

Parmi ces 140Md€, 26Md€/an sont consacrés aux transports dans l’objectif de sortir de la voiture et du camion fossile. Dans le détail il s’agit, par an, de :

  • 5Md€ supplémentaire pour le réseau ferroviaire (régénération et modernisation du réseau structurant, sauvetage et réouverture de petites lignes, grands projets ferroviaires interurbain type LGV)
  • 4Md€ pour le fret ferroviaire
  • 3Md€ pour les transports en commun des agglomérations en soutien aux investissements des collectivités (pour de nouvelles lignes de métro, tram, BHNS… )
  • 1Md€ pour le vélo, avec l’objectif de 100 000km de réseau cyclable en 10 ans, et les services associés (stationnements sécurisés, intermodalité avec les transports collectifs…)
  • 3Md€ pour une prime à la conversion de 10 000€ pour les propriétaire modestes de voitures crit’air 3, 4 ou 5 prochainement interdites dans les ZFEm (Zone à Faible Emissions mobilités) : ces ZFEm sont une véritable bombe sociale qui condamnerait à l’immobilité de nombreux ménages s’il n’est pas prévu de solution alternatives. A noter que le candidat a précisé que cette prime à la conversion serait aussi accessible à l’acquisition de vélos, notamment à haut niveau de service (vélo électrique, vélo cargo…)
  • 5Md€ pour la gratuité des transports collectifs urbains
  • 2Md€ pour la gratuité des abonnements TER des salariés entre leur domicile et travail (via la prise en charge par l’Etat de la part de 50% non prise en charge par l’employeur), et pour les jeunes
  • 3Md€ consacrés à une baisse de 30% des prix des billets de trains et une forte hausse de l’offre, en service public

L’ensemble des dépenses en faveur du train est ainsi de 14Md€ par an dans le programme de Fabien Roussel.

 

Comparaison avec les autres candidats

  • Le programme de Jean Luc Melenchon prévoit 200Md€ pour le climat sur le quinquennat soit 40Md€ par an, dont 8,8Md€ pour les transports (dont 6,25Md€ en faveur du train)
  • Le programme de Yannick Jadot prévoit 35Md€ par an pour le climat, dont 4Md€ pour le train et 0.5Md€ pour le vélo

Dès lors, on aurait pu s’attendre à un bon classement du candidat Fabien Roussel, au titre des engagements financiers, et à minima sur la thématique transport. On constate que non, et on va regarder comment sont établis ces classements.

 

L’évaluation du Réseau Action Climat

Passons rapidement sur le Réseau Action Climat (RAC), dont il est légitime de se demander si le combat est le climat ou la sortie du nucléaire, énergie pourtant décarbonée. Fabien Roussel n’étant pas partisan du 100% renouvelable, mais du 100% décarboné (et 100% public) incluant donc une large part de nucléaire dans la production d’électricité, on comprend vite le classement totalement subjectif de ce réseau, qui, surprise, considère Yannick Jadot comme le meilleur candidat. D’aucuns considéreront qu’on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ! Le RAC déplore que les nouveaux réacteurs nucléaires ne seront pas mis en service avant 2030, mais il oublie que l’EPR de Flamanville pourra l’être avant : sa production électrique annuelle, 13 TWh, correspondra à celle de tout le parc solaire installé en 2020 et en évitant le recours aux centrales à charbon en France ou en Europe, permettra d’éviter l’émission de 10 Millions de tonnes de CO2, c’est à dire environ 2% des émissions françaises, et 5% de l’effort à fournir par la France d’ici à 2030 pour atteindre ses objectifs de réduction de -55% d’émissions de CO2 par rapport à 1990. Le RAC oublie également que le rehaussement des ambitions climat de la France à -55% des émissions CO2 en 2030 par rapport à 1990 au lieu de -40% implique selon le gestionnaire du réseau électrique RTE de ne fermer aucun réacteur nucléaire d’ici 2030, ce qui rends caduc les scénarios 100% ENR à court et moyen terme. Le RAC se garde bien, évidemment de mal noter les candidats qui prévoient de tels scénarios.

 

Les « Shifters » et leur approche

“Les Shifters”, association liée au Shift Project (dirigé par Jean Marc Jancovici) qui travaille un Plan de Transformation de l'Économie Française (PTEF) a également procédé à une évaluation des candidats. Un raccourci médiatique un peu rapide en a dit que Jean Luc Mélenchon était le mieux classé. Mais c’est sans comprendre la méthodologie des Shifters ni les documents utilisés concernant Fabien Roussel. Les Shifters disent eux-même n’avoir pas classé les candidats, mais seulement analysé leur programme au prisme de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) pour voir “quelles cases étaient cochées” (selon l’expression de Jean Marc Jancovici), sans hiérarchie entre les secteurs, ni vérification de la cohérence avec le reste du programme (économique, social…).

Faisons un focus sur l’évaluation transports de Fabien Roussel. Les Shifters écrivent, comme lacune par rapport à la SNBC que « La question du transport aérien n’est pas traitée. ». Cela n’est pas factuel. D’une part car Fabien Roussel reprend la mesure de la CCC (Convention Citoyenne pour le Climat) d’interdiction des vols aériens quand une alternative en train de moins de 4h existe. Et qu’en outre, il propose de finir le maillage TGV du pays (détail des liaisons https://www.pcf.fr/pour_f_ter_les_40_ans_du_tgv_lan_ons_un_programme_d_investissements_de_40_milliards_fabien_roussel ), ce qui ferait tomber les plus grosses liaisons aériennes intérieures sous le seuil d’interdiction. Et d’augmenter la fréquence des trains, avec de nouvelles liaisons de jour comme de nuit, notamment sur les relations transversales. Cumulé avec la baisse de -30% du prix des billets de train, un report modal massif est attendu.

De surcroît, il propose le renforcement des taxes d’aéroport pour les jets privés et les classes affaires.

Le reproche fait à Fabien Roussel est donc très curieux, sinon étrange, d’autant plus qu’au niveau transports, 2 autres candidats (Jean Luc Melenchon et Yannick Jadot) sont mieux “notés”, alors que leurs propositions pour les transports sont financièrement moindres (d’un rapport 2 à 3, voir ci-dessus), et qu’ils sont par exemple notoirement contre les grands projets de nouvelles lignes ferroviaire. Exemples emblématiques : Lyon Turin, ou la LGV GPSO Bordeaux Toulouse (https://fi33.fr/gpso-et-lgv-bordeaux-toulouse-cest-toujours-non/ et dans le programme de Yannick Jadot : “Nous arrêterons les grands projets inutiles (Lyon-Turin, LGV Rhin-Rhône, LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax-frontière espagnole)”) ou encore le la Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur qui prévoit une nouvelle gare souterraine à Marseille pour correctement relier la ligne existante vers Toulon et Nice au réseau national… dans la 4è circonscription des Bouches du Rhône (englobant la gare Marseille St Charles) du député Jean Luc Mélenchon, candidat à l’élection présidentielle, qui n’aura jamais donné un avis sur en 5 ans de mandat sur un projet national concernant sa circonscription (et dont le financement nécessitera des votes au Parlement) !

 

Sur ce tableau (issu des travaux du Shift Project) sont repris en colonne de droite les trafics des mobilités longue distance. On constate que le trafic longue distance en mode carboné, c’est à dire, avion, voiture et cars macron (351 Mds vk) (le vk est l’unité de mesure du trafic, pour 1 voyageur se déplaçant sur 1 km) représente 5,5 fois le trafic ferroviaire de longue distance existant (64 Mds vk). Il faut dès lors bien voir qu’un report modal significatif est possible, mais qu’il ne pourra pas être obtenu “à réseau constant”. Davantage de trains, c’est davantage de voies pour faire circuler les trains, et sur les axes principaux, cela signifie de nouvelles lignes, puisque l’ensemble des trafics fret et voyageurs courtes et longues distances s’y cumulent. Le PDG de la SNCF Jean Pierre Farandou ne s’y trompe pas, et dans sa publication “le fer contre le carbone” ( https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2022/02/fer-carbone.pdf ) considère nécessaire, pour seulement doubler les trafics ferroviaires, de réaliser les projets Bordeaux-Toulouse/Dax, Montpellier Perpignan et Provence Côte d’Azur.

Les Shifters écrivent également : “De plus, à aucun moment il n’est question de la sortie des énergies fossiles pour les transports.”. Au vu du choc tarifaire et d’infrastructure sur les transports collectifs proposé par Fabien Roussel, ainsi que de la prime à la conversion, et d’un financement qui participe à la démotropolisation (taxe sur les bureaux dans les zones très denses, notamment en Ile de France pour financer les transports dans tout le pays), cette affirmation n’est pas fondée. La question se pose par contre de savoir quel autre candidat en propose autant pour sortir des énergies fossiles dans les transports, sans recourir à l’immobilité contrainte, à laquelle les communistes se refusent car se déplacer est un droit.

Les Shifters notent aussi : “mesures allant à l’encontre de la SNBC : La baisse de la TVA et de la TICPE sur l’énergie”. Cela participe effectivement d’une vision qui n’est pas celle des communistes puisqu’elle consiste à accroître le poids de la fiscalité indirecte qui pèse davantage sur les ménages modestes, et peut les enfermer dans un piège si des solutions alternatives ne sont pas proposées. Toutefois, ces baisses proposées par Fabien Roussel visent à bloquer à 1,70€ le litre de carburant, et participent d’une TICPE flottante, de sorte que l’Etat agit comme un amortisseur des mouvements erratiques du marché. C’est la responsabilité des Shifters de noter négativement cet aspect, mais on notera que le candidat Jean Luc Mélenchon qui propose un blocage du prix du carburant à 1,40€, donc contrevenant encore plus à la logique des Shifters n’est pas noté négativement sur ce critère… car il a annoncé cette mesure après l’évaluation des Shifters.

Tout ceci montre tout le recul qu’il faut prendre sur ce que les Shifters eux-mêmes n’appellent pas un classement.

 

L’Affaire du Siècle et leur classement

Terminons ce panorama des “classements écologiques” par celui de “l’Affaire du Siècle” : il s’agit du collectif d’associations qui a porté plainte contre l’Etat pour inaction climatique, et juge le programme des candidats qui selon ce collectif, permettra à la France de sortir de l’illégalité. Le collectif juge entre 60 et 80% les chances de Fabien Roussel de sortir la France de l’illégalité, tout comme pour la candidate Anne Hidalgo. Deux candidats auraient des chances supérieures à 80% : Yannick Jadot et Jean Luc Mélenchon. Le jugement le plus sévère pour Fabien Roussel est sur l’industrie, mais est sans doute lié à une volonté de fortement réindustrialiser la France, et ainsi diminuer l’empreinte carbone des importations, ce qui a pu heurter les attendus du collectif. Globalement l’Affaire du siècle juge que “Son programme comporte de l’ambition pour le climat, avec des investissements financiers très significatifs”. Faisons là aussi un focus sur l’évaluation transports. Sur tous les aspects liés à la croissance du trafic ferroviaire, le collectif attribue la note maximale à Fabien Roussel et considère même que son programme va au-delà des objectifs de la SNBC (avec 3 fois + d’investissements ferroviaires et une croissance de 80% en 2030 au lieu de 27%). Il y a en fait lieu de penser que c’est la SNBC qui manque d’ambition, et ainsi qu’il faudrait moins bien noter les candidats qui s’en contentent. Le collectif a par ailleurs renoncé à évaluer la proposition de baisse de 30% des billets de trains, dont l’effet serait pourtant significatif.  Le plan vélo est lui aussi salué d’un montant double de celui estimé dans la SNBC. Pour autant le collectif juge non crédible l’objectif de part modale de 12% fixé par Fabien Roussel, là encore comme s’il fallait se contenter de la faible ambition de la SNBC : les investissements pour le vélo sont pourtant reconnus comme efficaces pour permettre un report modal en sécurisant les cyclistes, les moins coûteux pour un effet immédiat et générant le maximum de co-bénéfices. Là aussi, il conviendrait de moins bien noter les candidats aux ambitions moindres plutôt que de plafonner les objectifs du 1er secteur d’émissions de CO2 : les transports. Les mesures en faveur des véhicules particuliers à faible émission recueillent également la note maximale, en dépassant de nouveau les objectifs, notamment l’obligation de flotte d’entreprise 100% propre lors des renouvellements en 2030, et le dispositif de prime à la conversion. Le candidat est moins bien jugé pour le covoiturage : ce jugement est contestable, mais surtout on comprend mal pourquoi les dépassements d’objectifs sur les précédents critères ne compense pas celui-ci pour arriver au même résultat. On relève que le collectif ne note même pas la mesure de gratuité des TER et transports collectifs urbain, ni celle de l’investissement massif proposé par Fabien Roussel dans les métros, tram et BHNS des agglomérations : l’impact attendu sur la diminution des trajets routiers et la moindre dépendance à la voiture est pourtant décisif. Enfin, Fabien Roussel est curieusement mal noté s’agissant du trafic aérien. On retrouve ici l’absence d’évaluation de la mesure de baisse des tarifs ferroviaires de -30%, alors même que l’augmentation des tarifs aériens pour d'autres candidats est positivement notée. La proposition de taxes d’aéroport renforcées sur les jets privés et taxes sur les classes affaires n’est même pas mentionnée. Enfin, l'impact d’un maillage TGV plus complet du pays et d’un renforcement des liaisons transversales de jour comme de nuit semble sans impact pour le collectif, qui ne crédite positivement que les mesures d’interdiction. On retrouve là encore l’originalité du candidat des jours heureux pour défendre le droit pour tous aux transports et aux déplacements, et le refus de l’immobilité contrainte.

 

Conclusion

Retenons de tous ces classements que les catalogues de bonnes intentions sans financement correspondant ne sont pas très engageants. Ce qui est attendu d’un candidat à la Présidentielle est de fixer le cap des priorités, et notamment les engagements financiers. L’argent est le nerf de la bataille. Discuter du contenu précis du catalogue relève bien davantage du rôle du Parlement.

Le candidat des jours heureux développe où il prendra l’argent, tant pour la priorité climatique que pour les autres priorités de son projet de redistribution des richesses, indissociable des combats environnementaux pour l’avenir de la planète qui est notre bien commun : il assume pour cela un interventionnisme public fort, avec un Etat stratège et la planification.

(*) Rémi QUINTON est militant pour le climat dans le domaine des transports.

 

 
     
Published by Section du Parti communiste du Pays de Morlaix - dans POLITIQUE NATIONALE
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